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consuelo.

les aventures, et la Consuelo était vraiment un joli garçon sous son déguisement. C’est donc dans cette sainte maison qu’elle a passé dévotement son temps, entre le gros chanoine et le petit Joseph depuis un an qu’elle s’est sauvée de Venise ? Allons, Zingarella, ne t’inquiète pas, mon enfant. Nous avons le secret l’une de l’autre, et l’impératrice, qui veut tout savoir, ne saura rien d’aucune de nous.

— À supposer que j’eusse un secret, répondit froidement Consuelo, il n’est entre vos mains que d’aujourd’hui ; et j’étais en possession du vôtre le jour où j’ai parlé pendant une heure avec l’impératrice, trois jours avant la signature de votre engagement, Corilla !

— Et tu lui as dit du mal de moi ? s’écria Corilla en devenant rouge de colère.

— Si je lui avais dit ce que je sais de vous, vous ne seriez point engagée. Si vous l’êtes, c’est qu’apparemment je n’ai point voulu profiter de l’occasion.

— Et pourquoi ne l’as-tu pas fait ? Il faut que tu sois bien bête ! » reprit Corilla avec une candeur de perversité admirable à voir.

Consuelo et Joseph ne purent s’empêcher de sourire en se regardant ; le sourire de Joseph était plein de mépris pour la Corilla ; celui de Consuelo était angélique et s’élevait vers le ciel.

« Oui, madame, répondit-elle avec une douceur accablante, je suis telle que vous dites, et je m’en trouve fort bien.

— Pas trop bien, ma pauvre fille, puisque je suis engagée et que tu ne l’as pas été ! reprit la Corilla ébranlée et un peu soucieuse ; on me l’avait dit, à Venise, que tu manquais d’esprit, et que tu ne saurais jamais faire tes affaires. C’est la seule chose vraie qu’Anzoleto m’ait dite de toi. Mais qu’y faire ? ce n’est pas ma faute si tu