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consuelo.

rejoindre, comme nous le pensions, que le bel Anzoleto nous a si brusquement plantés là au milieu de son engagement, à la saison dernière.

— Madame, répondit Consuelo pâle mais calme, si j’avais eu le malheur d’être aussi intime avec Anzoleto que vous l’avez été, et si j’avais eu, par suite de ce malheur, le bonheur d’être mère (car c’en est toujours un pour qui sait le sentir), mon enfant ne serait point ici.

— Ah ! je comprends, reprit l’autre avec un feu sombre dans les yeux ; il serait élevé à la villa Zustiniani. Tu aurais eu l’esprit qui m’a manqué pour persuader au cher comte que son honneur était engagé à le reconnaître. Mais tu n’as pas eu le malheur, à ce que tu prétends, d’être la maîtresse d’Anzoleto, et Zustiniani a eu le bonheur de ne pas te laisser de preuves de son amour. On dit que Joseph Haydn, l’élève de ton maître, t’a consolée de toutes tes infortunes, et sans doute l’enfant que tu berces…

— Est le vôtre, mademoiselle, s’écria Joseph, qui comprenait très-bien maintenant le dialecte, et qui s’avança entre Consuelo et la Corilla d’un air à faire reculer cette dernière. C’est Joseph Haydn qui vous le certifie, car il était présent quand vous l’avez mis au monde. »

La figure de Joseph, que Corilla n’avait pas revue depuis ce jour malencontreux, lui remit aussitôt en mémoire toutes les circonstances qu’elle cherchait vainement à se rappeler, et le Zingaro Bertoni lui apparut enfin sous les véritables traits de la Zingarella Consuelo. Un cri de surprise lui échappa, et pendant un instant la honte et le dépit se disputèrent dans son sein. Mais, bientôt le cynisme lui revint au cœur et l’outrage à la bouche.

« En vérité, mes enfants, s’écria-t-elle d’un air atrocement bénin, je ne vous remettais pas. Vous étiez bien gentils tous les deux, quand je vous rencontrai courant