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consuelo.

séparation. Vous sentiriez-vous le courage de braver quelques dangers pour nous ?

— Avec autant de joie que vous avez exposé votre vie pour me sauver.

— Eh bien, j’y compte. Souvenez-vous de cette promesse, Consuelo. Peut-être sera-ce à l’improviste que je vous la rappellerai…

— À quelque heure de ma vie que ce soit, je ne l’aurai point oubliée, répondit-elle en lui tendant la main.

— Eh bien, dit-il, donnez-moi un signe, un gage de peu de valeur, que je puisse vous représenter dans l’occasion ; car j’ai le pressentiment de grandes luttes qui m’attendent, et il peut se trouver des circonstances où ma signature, mon cachet même pourraient compromettre elle et vous !

— Voulez-vous le cahier de musique que j’allais porter chez quelqu’un de la part de mon maître ? Je m’en procurerai un autre, et je ferai à celui-ci une marque pour le reconnaître dans l’occasion.

— Pourquoi non ? Un cahier de musique est, en effet, ce qu’on peut le mieux envoyer sans éveiller les soupçons. Mais pour qu’il puisse me servir plusieurs fois, j’en détacherai les feuillets. Faites un signe à toutes les pages. »

Consuelo, s’appuyant sur la rampe de l’escalier, traça le nom de Bertoni sur chaque feuillet du cahier. Le baron le roula et l’emporta, après avoir juré une éternelle amitié à notre héroïne.

À cette époque, madame Tesi tomba malade, et les représentations du théâtre impérial menacèrent d’être suspendues, car elle y avait les rôles les plus importants. La Corilla pouvait, à la rigueur, la remplacer. Elle avait un grand succès à la cour et à la ville. Sa beauté et sa coquetterie provocante tournaient la tête à tous ces bons