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consuelo.

payer de ma fortune et de mon avenir, je la compterais encore parmi les plus beaux jours de ma vie.

— Croyez-vous donc, monsieur le baron, dit Consuelo, qu’elle puisse avoir de pareilles suites ?

— J’espère que non ; et pourtant tout est possible à la cour de Prusse.

— Vous me faites une grande peur de la Prusse : savez-vous, monsieur le baron, qu’il serait pourtant possible que j’eusse avant peu le plaisir de vous y retrouver ? Il est question d’un engagement pour moi à Berlin.

— En vérité ! s’écria Trenck, dont le visage s’éclaira d’une joie soudaine ; eh bien, Dieu fasse que ce projet se réalise ! Je puis vous être utile à Berlin, et vous devez compter sur moi comme sur un frère. Oui, j’ai pour vous l’affection d’un frère, Consuelo… et si j’avais été libre, je n’aurais peut-être pas su me défendre d’un sentiment plus vif encore… mais vous ne l’êtes pas non plus, et des liens sacrés, éternels… ne me permettent pas d’envier l’heureux gentilhomme qui sollicite votre main. Quel qu’il soit, madame, comptez qu’il trouvera en moi un ami s’il le désire, et, s’il a jamais besoin de moi, un champion contre les préjugés du monde… Hélas ! moi aussi, Consuelo, j’ai dans ma vie une barrière terrible qui s’élève entre l’objet de mon amour et moi ; mais celui qui vous aime est un homme, et il peut abattre la barrière ; tandis que la femme que j’aime, et qui est d’un rang plus élevé que moi, n’a ni le pouvoir, ni le droit, ni la force, ni la liberté de me la faire franchir.

— Je ne pourrai donc rien pour elle, ni pour vous ? dit Consuelo. Pour la première fois je regrette l’impuissance de ma pauvre condition.

— Qui sait ? s’écria le baron avec feu ; vous pourrez peut-être plus que vous ne pensez, sinon pour nous réunir, du moins pour adoucir parfois l’horreur de notre