Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 3.djvu/236

Cette page a été validée par deux contributeurs.
226
consuelo.

— Et… tu as lu ma lettre ? ajouta Consuelo d’un air craintif et caressant.

— Pour qui me prends-tu ! répondit le Porpora d’un air terrible.

— Pardonne-moi tout cela, dit Consuelo en pliant le genou devant lui et en essayant de prendre sa main ; laisse-moi t’ouvrir mon cœur…

— Pas un mot de plus ! » répondit le maître en la repoussant.

Et il entra dans sa chambre, dont il ferma la porte sur lui avec fracas.

Consuelo espéra que, cette première bourrasque passée, elle pourrait l’apaiser et avoir avec lui une explication décisive. Elle se sentait la force de lui dire toute sa pensée, et se flattait de hâter par là l’issue de ses projets ; mais il se refusa à toute explication, et sa sévérité fut inébranlable et constante sous ce rapport. Du reste, il lui témoigna autant d’amitié qu’à l’ordinaire, et même, à partir de ce jour, il eut plus d’enjouement dans l’esprit, et de courage dans l’âme. Consuelo en conçut un bon augure, et attendit avec confiance la réponse de Riesenburg.

Le Porpora n’avait pas menti, il avait brûlé les lettres de Consuelo sans les lire ; mais il avait conservé l’enveloppe et y avait substitué une lettre de lui-même pour le comte Christian. Il crut par cette démarche courageuse avoir sauvé son élève, et préservé le vieux Rudolstadt d’un sacrifice au-dessus de ses forces. Il crut avoir rempli envers lui le devoir d’un ami fidèle, et envers Consuelo celui d’un père énergique et sage. Il ne prévit pas qu’il pouvait porter le coup de la mort au comte Albert. Il le connaissait à peine, il croyait que Consuelo avait exagéré ; que ce jeune homme n’était ni si épris ni si malade qu’elle se l’imaginait ; enfin il croyait, comme tous les