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consuelo.

mis de revenir chercher sa lettre à huit heures. Il en était neuf ; et, tout en s’habillant en grande hâte, Consuelo vit avec terreur que cette lettre n’était plus à l’endroit où elle l’avait mise. Elle la chercha partout sans la trouver. Elle sortit pour voir si Keller ne l’attendait pas dans l’antichambre. Ni Keller ni Joseph ne s’y trouvaient ; et comme elle rentrait chez elle pour chercher encore, elle vit le Porpora approcher de sa chambre et la regarder d’un air sévère.

« Que cherches-tu ? lui dit-il.

— Une feuille de musique que j’ai égarée.

— Tu mens : tu cherches une lettre.

— Maître…

— Tais-toi, Consuelo ; tu ne sais pas encore mentir : ne l’apprends pas.

— Maître, qu’as-tu fait de cette lettre ?

— Je l’ai remise à Keller.

— Et pourquoi… pourquoi la lui as-tu remise, maître ?

— Parce qu’il venait la chercher. Tu le lui avais recommandé hier. Tu ne sais pas feindre, Consuelo, ou bien j’ai encore l’oreille plus fine que tu ne penses.

— Et enfin, dit Consuelo avec résolution, qu’as-tu fait de ma lettre ?

— Je te l’ai dit ; pourquoi me le demandes-tu encore ? J’ai trouvé fort inconvenant qu’une jeune fille, honnête comme tu l’es, et comme je présume que tu veux l’être toujours, remît en secret des lettres à son perruquier. Pour empêcher cet homme de prendre une mauvaise idée de toi, je lui ai remis la lettre d’un air calme, et l’ai chargé de ta part de la faire partir. Il ne croira pas, du moins, que tu caches à ton père adoptif un secret coupable.

— Maître, tu as raison, tu as bien fait… pardonne-moi !

— Je te pardonne, n’en parlons plus.