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le sien. Il ne la rencontrait que chez madame Wilhelmine, où il pouvait lui parler sans la compromettre, et où elle chantait obligeamment en petit comité. Joseph aussi fut admis à y faire de la musique. Caffariello y venait souvent, le comte Hoditz quelquefois, et l’abbé Métastase rarement. Tous trois déploraient que Consuelo eût échoué, mais aucun d’eux n’avait eu le courage ou la persévérance de lutter pour elle. Le Porpora s’en indignait et avait bien de la peine à le cacher. Consuelo s’efforçait de l’adoucir et de lui faire accepter les hommes avec leurs travers et leurs faiblesses. Elle l’excitait à travailler, et, grâce à elle, il retrouvait de temps à autre quelques lueurs d’espoir et d’enthousiasme. Elle l’encourageait seulement dans le dépit qui l’empêchait de la mener dans le monde pour y faire entendre sa voix. Heureuse d’être oubliée de ces grands qu’elle avait aperçus avec effroi et répugnance, elle se livrait à de sérieuses études, à de douces rêveries, cultivait l’amitié devenue calme et sainte du bon Haydn, et se disait chaque jour, en soignant son vieux professeur, que la nature, si elle ne l’avait pas faite pour une vie sans émotion et sans mouvement, l’avait faite encore moins pour les émotions de la vanité et l’activité de l’ambition. Elle avait bien rêvé, elle rêvait bien encore malgré elle, une existence plus animée, des joies de cœur plus vives, des plaisirs d’intelligence plus expansifs et plus vastes ; mais le monde de l’art qu’elle s’était créé si pur, si sympathique et si noble, ne se manifestant à ses regards que sous des dehors affreux, elle préférait une vie obscure et retirée, des affections douces, et une solitude laborieuse.

Consuelo n’avait point de nouvelles réflexions à faire sur l’offre des Rudolstadt. Elle ne pouvait concevoir aucun doute sur leur générosité, sur la sainteté inaltérable de l’amour du fils, sur la tendresse indulgente du