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consuelo.

vôtre, et quand le moment sera venu, quand vous serez sûre de vous-même, que vous soyez dans une cellule de religieuse ou sur les planches d’un théâtre, dites-moi de ne jamais vous importuner ou d’aller vous rejoindre… Je serai à vos pieds, ou je serai muet pour jamais, au gré de votre volonté.

« Albert. »

« Ô noble Albert ! s’écria Consuelo en portant ce papier à ses lèvres, je sens que je t’aime ! Il serait impossible de ne pas t’aimer, et je ne veux pas hésiter à te le dire ; je veux récompenser par ma promesse la constance et le dévouement de ton amour. »

Elle se mit sur-le-champ à écrire ; mais la voix du Porpora lui fit cacher à la hâte dans son sein, et la lettre d’Albert, et la réponse qu’elle avait commencée. De toute la journée elle ne retrouva pas un instant de loisir et de sécurité. Il semblait que le vieux sournois eût deviné le désir qu’elle avait d’être seule, et qu’il prît à tâche de s’y opposer. La nuit venue, Consuelo se sentit plus calme, et comprit qu’une détermination aussi grave demandait une plus longue épreuve de ses propres émotions. Il ne fallait pas exposer Albert aux funestes conséquences d’un retour sur elle-même ; elle relut cent fois la lettre du jeune comte, et vit qu’il craignait également de sa part la douleur d’un refus et la précipitation d’une promesse. Elle résolut de méditer sa réponse pendant plusieurs jours ; Albert lui-même semblait l’exiger.

La vie que Consuelo menait alors à l’ambassade était fort douce et fort réglée. Pour ne pas donner lieu à de méchantes suppositions, Corner eut la délicatesse de ne jamais lui rendre de visites dans son appartement et de ne jamais l’attirer, même en société du Porpora, dans