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chanter d’une manière large et pure, sans créer d’ornements, et sans s’écarter des saines traditions de son maître. Il était particulièrement admirable dans l’adagio. Aussi le Porpora avait-il pour lui une prédilection qu’il avait bien de la peine à cacher devant les admirateurs fanatiques de Farinelli et Caffariello. Il convenait bien que l’habileté, le brillant, la souplesse de ces grands virtuoses jetaient plus d’éclat, et devaient transporter plus soudainement un auditoire avide de merveilleuses difficultés ; mais il disait tout bas que son Porporino ne sacrifiait jamais au mauvais goût, et qu’on ne se lassait jamais de l’entendre, bien qu’il chantât toujours de la même manière. Il paraît que la Prusse ne s’en lassa point en effet, car il y brilla pendant toute sa carrière musicale, et y mourut fort vieux, après un séjour de plus de quarante ans.

La lettre d’Hubert annonçait au Porpora que sa musique était fort goûtée à Berlin, et que s’il voulait venir l’y rejoindre, il se faisait fort de faire admettre et représenter ses compositions nouvelles. Il l’engageait beaucoup à quitter Vienne, où les artistes étaient en butte à de perpétuelles intrigues de coteries, et à recruter pour la cour de Prusse une cantatrice distinguée qui pût chanter avec lui les opéras du maestro. Il faisait un grand éloge du goût éclairé de son roi, et de la protection honorable qu’il accordait aux musiciens. « Si ce projet vous sourit, disait-il en finissant sa lettre, répondez-moi promptement quelles sont vos prétentions, et d’ici à trois mois, je vous réponds de vous faire obtenir des conditions qui vous procureront enfin une existence paisible. Quant à la gloire, mon cher maître, il suffira que vous écriviez pour que nous chantions de manière à vous faire apprécier, et j’espère que le bruit en ira jusqu’à Dresde. »