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inadmissible à l’impératrice. « Et la Corilla ? s’était écrié le Porpora en apprenant l’admission de cette dernière, est-ce que Sa Majesté vient de la marier ? — Autant que j’ai pu le comprendre, ou le deviner dans les paroles de Sa Majesté, la Corilla passe ici pour veuve. — Oh ! trois fois veuve, dix fois, cent fois veuve, en effet ! disait le Porpora avec un rire amer. Mais que dira-t-on quand on saura ce qu’il en est, et quand on la verra procéder ici à de nouveaux et innombrables veuvages ? Et cet enfant dont on m’a parlé, qu’elle vient de laisser auprès de Vienne, chez un chanoine ; cet enfant, qu’elle voulait faire accepter au comte Zustiniani, et que le comte Zustiniani lui a conseillé de recommander à la tendresse paternelle d’Anzoleto ? — Elle se moquera de tout cela avec ses camarades ; elle le racontera, suivant sa coutume, dans des termes cyniques, et rira, dans le secret de son alcôve, du bon tour qu’elle a joué à l’impératrice. — Mais si l’impératrice apprend la vérité ? — L’impératrice ne l’apprendra pas. Les souverains sont entourés, je m’imagine, d’oreilles qui servent de portiques aux leurs propres. Beaucoup de choses restent dehors, et rien n’entre dans le sanctuaire de l’oreille impériale que ce que les gardiens ont bien voulu laisser passer. — D’ailleurs, reprenait le Porpora, la Corilla aura toujours la ressource d’aller à confesse, et ce sera M. de Kaunitz qui sera chargé de faire observer la pénitence. »

Le pauvre maestro exhalait sa bile dans ces âcres plaisanteries ; mais il était profondément chagrin. Il perdait l’espoir de faire représenter l’opéra qu’il avait en portefeuille, d’autant plus qu’il l’avait écrit sur un libretto qui n’était pas de Métastase, et que Métastase avait le monopole de la poésie de cour. Il n’était pas sans quelque pressentiment du peu d’habileté que Consuelo avait mis à capter les bonnes grâces de la souveraine, et il ne pou-