Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 3.djvu/224

Cette page a été validée par deux contributeurs.
214
consuelo.

ne se trompait pas. La grande impératrice, zélée catholique, mère de famille exemplaire, n’avait aucune répugnance à causer avec une prostituée, à la catéchiser, à provoquer ses étranges confidences, afin d’avoir la gloire d’amener une Madeleine repentante aux pieds du Seigneur. Le trésor particulier de Sa Majesté, placé entre le vice et la contrition, rendait nombreux et infaillibles ces miracles de la grâce entre les mains de l’impératrice. Ainsi Corilla pleurante et prosternée, sinon en personne (je doute qu’elle pût rompre son farouche caractère à cette comédie), mais par procuration passée à M. de Kaunitz, qui se portait caution de sa vertu nouvelle, devait l’emporter infailliblement sur une petite fille décidée, fière et forte comme l’immaculée Consuelo. Marie-Thérèse n’aimait, dans ses protégés dramatiques, que les vertus dont elle pouvait se dire l’auteur. Les vertus qui s’étaient faites ou gardées elles-mêmes ne l’intéressaient pas beaucoup ; elle n’y croyait pas comme sa propre vertu eût dû la porter à y croire. Enfin, l’attitude de Consuelo l’avait piquée ; elle l’avait trouvée esprit fort et raisonneuse. C’était trop de présomption et d’outrecuidance de la part d’une petite bohémienne, que de vouloir être estimable et sage sans que l’impératrice s’en mêlât. Lorsque M. de Kaunitz, qui feignait d’être très-impartial tout en desservant l’une au profit de l’autre, demanda à Sa Majesté si elle avait agréé la supplique de cette petite, Marie-Thérèse répondit : « Je n’ai pas été contente de ses principes ; ne me parlez plus d’elle. » Et tout fut dit. La voix, la figure et jusqu’au nom de la Porporina furent même complètement oubliés.

Un seul mot avait été nécessaire et en même temps péremptoire pour expliquer au Porpora la cause de la disgrâce où il se trouvait enveloppé. Consuelo avait été obligé de lui dire que sa position de demoiselle paraissait