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place de Consuelo au théâtre impérial. Consuelo n’avait pas su plaire à Marie-Thérèse. Cette grande reine, tout en s’amusant des intrigues de coulisses que Kaunitz et Métastase lui racontaient à moitié et toujours avec un esprit charmant, voulait jouer le rôle d’une Providence incarnée et couronnée au milieu de ces cabotins qui, devant elle, jouaient celui de pécheurs repentants et de démons convertis. On pense bien qu’au nombre de ces hypocrites, qui recevaient de petites pensions et de petits cadeaux pour leur soi-disant piété, ne se trouvaient ni Caffariello, ni Farinelli, ni la Tesi, ni madame Hasse, ni aucun de ces grands virtuoses que Vienne possédait alternativement, et à qui leur talent et leur célébrité faisaient pardonner bien des choses. Mais les emplois vulgaires étaient brigués par des gens décidés à flatter la fantaisie dévote et moralisante de Sa Majesté ; et Sa Majesté, qui portait en toute chose son esprit d’intrigue politique, faisait du tripotage diplomatique à propos du mariage ou de la conversion de ses comédiens. On a pu lire dans les Mémoires de Favart (cet intéressant roman réel qui se passa historiquement dans les coulisses) les difficultés qu’il éprouvait pour envoyer à Vienne des actrices et des chanteuses d’opéra dont on lui avait confié la fourniture. On les voulait à bon marché, et, de plus, sages comme des vestales. Je crois que ce spirituel fournisseur breveté de Marie-Thérèse, après avoir bien cherché à Paris, finit par n’en pas trouver une seule, ce qui fait plus d’honneur à la franchise qu’à la vertu de nos filles d’opéra, comme on disait alors.

Ainsi Marie-Thérèse voulait donner à l’amusement qu’elle prenait à tout ceci un prétexte édifiant et digne de la majesté bienfaisante de son caractère. Les monarques posent toujours, et les grands monarques plus peut-être que tous les autres ; le Porpora le disait sans cesse, et il