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consuelo.

bien heureuse de trouver en elle un confesseur aussi miséricordieux que Dieu même. Mais…

— Continuez ce que vous vouliez dire tout à l’heure, répondit Marie-Thérèse avec hauteur.

— Je disais, repartit Consuelo, qu’ignorant le blâme déversé sur moi à propos du séjour de Joseph Haydn dans la maison que j’habite, je n’avais pas fait un grand effort de dévouement envers lui en m’y exposant.

— J’entends, dit l’impératrice, vous niez tout !

— Comment pourrais-je confesser le mensonge ? reprit Consuelo ; je n’ai ni inclination pour l’élève de mon maître, ni désir aucun de l’épouser ; et s’il en était autrement, pensa-t-elle, je ne voudrais pas accepter son cœur par décret impérial.

— Ainsi vous voulez rester fille ? dit l’impératrice en se levant. Eh bien, je vous déclare que c’est une position qui n’offre pas à ma sécurité sur le chapitre de l’honneur, toutes les garanties désirables. Il est inconvenant d’ailleurs qu’une jeune personne paraisse dans certains rôles, et représente certaines passions quand elle n’a pas la sanction du mariage et la protection d’un époux. Il ne tenait qu’à vous de l’emporter dans mon esprit sur votre concurrente, madame Corilla, dont on m’avait dit pourtant beaucoup de bien, mais qui ne prononce pas l’italien à beaucoup près aussi bien que vous. Mais madame Corilla est mariée et mère de famille, ce qui la place dans des conditions plus recommandables à mes yeux que celles où vous vous obstinez à rester.

— Mariée ! ne put s’empêcher de murmurer entre ses dents la pauvre Consuelo, bouleversée de voir quelle personne vertueuse, la très-vertueuse et très-clairvoyante impératrice lui préférait.

— Oui, mariée, répondit l’impératrice d’un ton absolu et courroucée déjà de ce doute émis sur le compte de sa