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consuelo.

Marie-Thérèse l’interrompit ; elle crut trouver de l’ironie dans cette réflexion de Consuelo.

« Il ne faut pas vous étonner, dit-elle d’un ton un peu emphatique, que je m’occupe des détails les plus minutieux de la vie des êtres dont j’ai la responsabilité devant Dieu.

— On peut s’étonner de ce qu’on admire, répondit adroitement Consuelo ; et si les grandes choses sont les plus simples, elles sont du moins assez rares pour nous surprendre au premier abord.

— Il faut que vous compreniez, en outre, reprit l’impératrice, le soin particulier qui me préoccupe à votre égard, et à l’égard de tous les artistes dont j’aime à orner ma cour. Le théâtre est, en tout pays, une école de scandale, un abîme de turpitudes. J’ai la prétention, louable certainement, sinon réalisable, de réhabiliter devant les hommes et de purifier devant Dieu la classe des comédiens, objet des mépris aveugles et même des proscriptions religieuses de plusieurs nations. Tandis qu’en France l’Église leur ferme ses portes, je veux, moi, que l’Église leur ouvre son sein. Je n’ai jamais admis, soit à mon théâtre italien, soit pour ma comédie française, soit encore à mon théâtre national, que des gens d’une moralité éprouvée, ou bien des personnes résolues de bonne foi à réformer leur conduite. Vous devez savoir que je marie mes comédiens, et que je tiens même leurs enfants sur les fonts de baptême, résolue à encourager par toutes les faveurs possibles la légitimité des naissances, et la fidélité des époux. »

« Si nous avions su cela, pensa Consuelo, nous aurions prié Sa Majesté d’être la marraine d’Angèle à ma place. »

« Votre Majesté sème pour recueillir, reprit-elle tout haut ; et si j’avais une faute sur la conscience, je serais