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consuelo.

vous deviez avoir dans l’intérêt maternel de Marie-Thérèse, et je suis fâchée que vous ne l’ayez pas compris.

— Je comprends fort bien, dit Consuelo en elle-même, que par un caprice bizarre, par un despotisme d’enfant gâté, tu veux, grande reine, que la Zingarella embrasse tes genoux, parce qu’il te semble que ses genoux sont raides devant toi, et que c’est pour toi un phénomène inobservé. Eh bien, tu n’auras pas cet amusement-là, à moins de me bien prouver que tu mérites mon hommage. »

Elle avait fait rapidement ces réflexions et d’autres encore pendant que Marie-Thérèse la sermonnait. Elle s’était dit qu’elle jouait en cet instant la fortune du Porpora sur un coup de dé, sur une fantaisie de l’impératrice, et que l’avenir de son maître valait bien la peine qu’elle s’humiliât un peu. Mais elle ne voulait pas s’humilier en vain. Elle ne voulait pas jouer la comédie avec une tête couronnée qui en savait certainement autant qu’elle sur ce chapitre-là. Elle attendait que Marie-Thérèse se fit véritablement grande à ses yeux, afin qu’elle-même pût se montrer sincère en se prosternant.

Quand l’impératrice eut fini son homélie, Consuelo répondit :

« Je répondrai à tout ce que Votre Majesté a daigné me dire, si elle veut bien me l’ordonner.

— Oui, parlez, parlez ! dit l’impératrice dépitée de cette contenance impassible.

— Je dirai donc à Votre Majesté que, pour la première fois de ma vie, j’apprends, de sa bouche impériale, que ma réputation est compromise par la présence de Joseph Haydn dans la maison de mon maître. Je me croyais trop peu de chose pour attirer sur moi les arrêts de l’opinion publique ; et si l’on m’eût dit, lorsque je me rendais au palais impérial, que l’impératrice elle-même jugeait et blâmait ma situation, j’aurais cru faire un rêve. »