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consuelo.

chambre, et maître Porpora ignore les vrais motifs de la conduite de ce jeune homme, tandis que vous les encouragez, vous qui ne les ignorez point.

— On m’a calomniée auprès de Votre Majesté ; ce jeune homme n’a jamais eu d’inclination pour moi (Consuelo croyait dire la vérité), et je sais même que ses affections sont ailleurs. S’il y a eu une petite tromperie envers mon respectable maître, les motifs en sont innocents et peut-être estimables. L’amour de l’art a pu seul décider Joseph Haydn à se mettre au service du Porpora ; et puisque Votre Majesté daigne peser la conduite de ses moindres sujets, comme je crois impossible que rien échappe à son équité clairvoyante, je suis certaine qu’elle rendra justice à ma sincérité dès qu’elle voudra descendre jusqu’à examiner ma cause. »

Marie-Thérèse était trop pénétrante pour ne pas reconnaître l’accent de la vérité. Elle n’avait pas encore perdu tout l’héroïsme de sa jeunesse, bien qu’elle fût en train de descendre cette pente fatale du pouvoir absolu, qui éteint peu à peu la foi dans les âmes les plus généreuses.

« Jeune fille, je vous crois vraie et je vous trouve l’air chaste ; mais je démêle en vous un grand orgueil, et une méfiance de ma bonté maternelle qui me fait craindre de ne pouvoir rien pour vous.

— Si c’est à la bonté maternelle de Marie-Thérèse que j’ai affaire, répondit Consuelo attendrie par cette expression dont la pauvrette, hélas ! ne connaissait pas l’extension banale, me voici prête à m’agenouiller devant elle et à l’implorer : mais si c’est…

— Achevez, mon enfant, dit Marie-Thérèse, qui, sans trop s’en rendre compte, eût voulu mettre à ses genoux cette personne étrange : dites toute votre pensée.

— Si c’est à la justice impériale de Votre Majesté,