Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 3.djvu/214

Cette page a été validée par deux contributeurs.
204
consuelo.

tit pourtant ni troublée, ni intimidée. Soit que son insouciance d’artiste la rendît indifférente à cette pompe armée qui brillait autour de Marie-Thérèse et jusque sur son costume, soit que son âme noble et franche se sentît à la hauteur de toutes les grandeurs morales, elle attendit dans une attitude calme et dans une grande sérénité d’esprit qu’il plût à Sa Majesté de l’interroger.

L’impératrice s’assit sur un sofa, tirailla un peu son baudrier couvert de pierreries, qui gênait et blessait son épaule ronde et blanche, et commença ainsi :

« Je te répète, mon enfant, que je fais grand cas de ton talent, et que je ne mets pas en doute tes bonnes études et l’intelligence que tu as de ton métier ; mais on doit t’avoir dit qu’à mes yeux le talent n’est rien sans la bonne conduite, et que je fais plus de cas d’un cœur pur et pieux que d’un grand génie. »

Consuelo, debout, écouta respectueusement cet exorde, mais il ne lui sembla pas que ce fût une provocation à faire l’éloge d’elle-même ; et comme elle éprouvait d’ailleurs une mortelle répugnance à se vanter des vertus qu’elle pratiquait si simplement, elle attendit en silence que l’impératrice l’interrogeât d’une manière plus directe sur ses principes et ses résolutions. C’était pourtant bien le moment d’adresser à la souveraine un madrigal bien tourné sur sa piété angélique, sur ses vertus sublimes et sur l’impossibilité de se mal conduire quand on avait son exemple sous les yeux. La pauvre Consuelo n’eut pas seulement l’idée de mettre l’occasion à profit. Les âmes délicates craindraient d’insulter à un grand caractère en lui donnant des louanges banales ; mais les souverains, s’ils ne sont pas dupes de cet encens grossier, ont du moins une telle habitude de le respirer, qu’ils l’exigent comme un simple acte de soumission et d’étiquette. Marie-Thérèse fut étonnée du silence de la jeune fille, et