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manteau impérial, la couronne en tête, et un petit sabre hongrois au côté. Elle était vraiment belle ainsi, non imposante et d’une noblesse idéale, comme ses courtisans affectaient de la dépeindre, mais fraîche, enjouée, la physionomie ouverte et heureuse, l’air confiant et entreprenant. C’était bien le roi Marie-Thérèse que les magnats de Hongrie avaient proclamé, le sabre au poing, dans un jour d’enthousiasme ; mais c’était, au premier abord, un bon roi plutôt qu’un grand roi. Elle n’avait point de coquetterie, et la familiarité de ses manières annonçait une âme calme et dépourvue d’astuce féminine. Quand on la regardait longtemps, et surtout lorsqu’elle vous interrogeait avec insistance, on voyait de la finesse et même de la ruse froide dans cette physionomie si riante et si affable. Mais c’était de la ruse masculine, de la ruse impériale si l’on veut ; jamais de la galanterie.

« Vous me ferez entendre votre élève tout à l’heure, dit-elle au Porpora ; je sais déjà qu’elle a un grand savoir, une voix magnifique, et je n’ai pas oublié le plaisir qu’elle m’a fait dans l’oratorio de Betulia liberata. Mais je veux d’abord causer un peu avec elle en particulier. J’ai plusieurs questions à lui faire ; et comme je compte sur sa franchise, j’ai bon espoir de lui pouvoir accorder la protection qu’elle me demande. »

Le Porpora se hâta de sortir, lisant dans les yeux de Sa Majesté qu’elle désirait être tout à fait seule avec Consuelo. Il se retira dans une galerie voisine, où il eut grand froid ; car la cour, ruinée par les dépenses de la guerre, était gouvernée avec beaucoup d’économie, et le caractère de Marie-Thérèse secondait assez à cet égard les nécessités de sa position.

En se voyant tête à tête avec la fille et la mère des Césars, l’héroïne de la Germanie, et la plus grande femme qu’il y eût alors en Europe, Consuelo ne se sen-