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consuelo.

heure, il la répétait sur l’escalier, tellement défigurée, que cela m’a ôté l’envie de continuer mon air.

— Et d’où vient qu’il la chante si bien aujourd’hui ? que s’est-il passé durant son sommeil ?

— Je vais t’expliquer cela, mon maître ; je remarquais que ce garçon avait la voix belle et même juste, mais qu’il chantait faux, faute d’oreille, de raisonnement et de mémoire. Je me suis amusée à lui faire poser la voix et à chanter la gamme d’après ta méthode, pour voir si cela réussirait, même sur une pauvre organisation musicale.

— Cela doit réussir sur toutes les organisations, s’écria le Porpora. Il n’y a point de voix fausse, et jamais une oreille exercée…

— C’est ce que je me disais, interrompit Consuelo, qui avait hâte d’en venir à ses fins, et c’est ce qui est arrivé. J’ai réussi, avec le système de ta première leçon, à faire comprendre à ce butor ce que, dans toute sa vie, le Reuter et tous les Allemands ne lui eussent pas fait soupçonner. Après cela, je lui ai chanté ma phrase, et, pour la première fois, il l’a entendue exactement. Aussitôt il a pu la dire, et il en était si étonné, si émerveillé, qu’il a bien pu n’en pas dormir de la nuit ; c’était pour lui comme une révélation. Oh ! mademoiselle, me disait-il, si j’avais été enseigné ainsi, j’aurais pu apprendre peut-être aussi bien qu’un autre. Mais je vous avoue que je n’ai jamais rien pu comprendre de ce qu’on enseignait à la maîtrise de Saint-Étienne.

— Il a donc été à la maîtrise, réellement ?

— Et il en a été chassé honteusement ; tu n’as qu’à parler de lui à maître Reuter ! il te dira que c’est un mauvais sujet, et un sujet musical impossible à former.

— Viens ça, ici, toi ! cria le Porpora à Beppo qui pleurait derrière la porte ; et mets-toi près de moi : je