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consuelo.

d’un autre que de meinherr Hasse, et que j’ai fort bien retenue ; j’en prendrai note, et, pour me venger, je la mettrai dans mon nouvel opéra, afin de lui rendre le tour qu’il m’a joué si souvent.

— Prenez garde, maître ! cette phrase-là n’est peut-être pas inédite. Vous ne savez pas par cœur toutes les productions contemporaines.

— Mais je les ai entendues, et je te dis que c’est une phrase trop remarquable pour qu’elle ne m’ait pas encore frappé.

— Eh bien, maître, grand merci ! je suis fière du compliment ; car la phrase est de moi. »

Consuelo mentait, la phrase en question était bien éclose le matin même dans le cerveau d’Haydn ; mais elle avait le mot, et déjà elle l’avait apprise par cœur, afin de n’être pas prise au dépourvu par les méfiantes investigations du maître. Le Porpora ne manqua pas de la lui demander. Elle la chanta sur-le-champ, et prétendit que la veille elle avait essayé de mettre en musique, pour complaire à l’abbé Métastase, les premières strophes de sa jolie pastorale :

Già riede la primavera
Col suo florito aspetto ;
Già il grato zeffiretto
Scherza fra l’erbe e i fior.
Tornan le frondi algli alberi,
L’herbette al prato tornano ;
Sol non ritorna a me
La pace del mio cor.

« J’avais répété ma première phrase bien des fois, ajouta-t-elle, lorsque j’ai entendu dans l’antichambre maître Beppo qui, comme un vrai serin des Canaries, s’égosillait à la répéter tout de travers ; cela m’impatientait, je l’ai prié de se taire. Mais, au bout d’une