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consuelo.

suelo avec candeur, et elle y viendra certainement. Cet heureux événement vous rendra la santé. »

L’abbé pâlit et fit un geste de terreur. Le maestro toussa de toute sa force, et Consuelo, se rappelant tout à coup que la Romanina était morte depuis plus de dix ans, s’aperçut de l’énorme maladresse qu’elle commettait en rappelant l’idée de la mort à cet ami, qui n’aspirait, selon lui, qu’à rejoindre sa bien-aimée dans la tombe. Elle se mordit les lèvres, et se retira bientôt avec son maître, lequel n’emportait de cette visite que de vagues promesses et force civilités, comme à l’ordinaire.

« Qu’as-tu fait, tête de linote ? dit-il à Consuelo dès qu’ils furent dehors.

— Une grande sottise, je le vois bien. J’ai oublié que la Romanina ne vivait plus ; mais croyez-vous bien, maître, que cet homme si aimant et si désolé soit attaché à la vie autant qu’il vous plaît de le dire ? Je m’imagine, au contraire, que le regret d’avoir perdu son amie est la seule cause de son mal, et que si quelque terreur superstitieuse lui fait redouter l’heure suprême, il n’en est pas moins horriblement et sincèrement las de vivre.

— Enfant ! dit le Porpora, on n’est jamais las de vivre quand on est riche, honoré, adulé et bien portant ; et quand on n’a jamais eu d’autres soucis et d’autres passions que celle-là, on ment et on joue la comédie quand on maudit l’existence.

— Ne dites pas qu’il n’a jamais eu d’autres passions. Il a aimé la Marianna, et je m’explique pourquoi il a donné ce nom chéri à sa filleule et à sa nièce Marianna Martiez… »

Consuelo avait failli dire l’élève de Joseph ; mais elle s’arrêta brusquement.

« Achève, dit le Porpora, sa filleule, sa nièce ou sa fille.

— On le dit ; mais que m’importe ?