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devant les autres que dans le secret de sa chambre, et qu’il ne sentait jamais si bien ses affections et ses douleurs que quand il les racontait avec éloquence. Entraîné par l’occasion, il fit à Consuelo le récit de cette partie de sa jeunesse où la Romanina a joué un si grand rôle ; les services que cette généreuse amie lui rendit, le soin filial qu’elle prit de ses vieux parents, le sacrifice maternel qu’elle accomplit en se séparant de lui pour l’envoyer faire fortune à Vienne ; et quand il en fut à la scène des adieux, quand il eut dit, dans les termes les plus choisis et les plus tendres, de quelle manière sa chère Marianna, le cœur déchiré et la poitrine gonflée de sanglots, l’avait exhorté à l’abandonner pour ne songer qu’à lui-même, il s’écria :

« Oh ! que si elle eût deviné l’avenir qui m’attendait loin d’elle, que si elle eût prévu les douleurs, les combats, les terreurs, les angoisses, les revers et jusqu’à l’affreuse maladie qui devaient être mon partage ici, elle se fût bien épargné ainsi qu’à moi une si affreuse immolation ! Hélas ! j’étais loin de croire que nous nous faisions d’éternels adieux, et que nous ne devions jamais nous rencontrer sur la terre !

— Comment ! vous ne vous êtes point revus ? dit Consuelo dont les yeux étaient baignés de larmes, car la parole du Métastase avait un charme extraordinaire : elle n’est point venue à Vienne ?

— Elle n’y est jamais venue ! répondit l’abbé d’un air accablé.

— Après tant de dévouement, elle n’a pas eu le courage de venir ici vous retrouver ? reprit Consuelo, à qui le Porpora faisait en vain des yeux terribles. »

Le Métastase ne répondit rien : il paraissait absorbé dans ses pensées.

« Mais elle pourrait y venir encore ? poursuivit Con-