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consuelo.

terreurs imbéciles. Depuis que je n’ai plus le spectre de Brigide à mes côtés, et depuis surtout que je me vois à la tête d’une fortune indépendante, je me sens brave comme un lion. Or donc, venez déjeuner avec moi ; nous baptiserons Angèle après, et puis nous ferons de la musique jusqu’au dîner. »

Il les entraîna au prieuré.

« Allons, André, Joseph ! cria-t-il à ses valets en entrant ; venez voir le signor Bertoni métamorphosé en dame. Vous ne vous seriez pas attendus à cela ? ni moi non plus ! Eh bien, dépêchez-vous de partager ma surprise, et mettez-nous vite le couvert. »

Le repas fut exquis, et nos jeunes gens virent que si de graves modifications s’étaient faites dans l’esprit du chanoine, ce n’était pas sur l’habitude de la bonne chère qu’elles avaient opéré. On porta ensuite l’enfant dans la chapelle du prieuré. Le chanoine quitta sa douillette, endossa une soutane et un surplis, et fit la cérémonie. Consuelo et Joseph firent l’office de parrain et de marraine, et le nom d’Angèle fut confirmé à la petite fille. Le reste de l’après-midi fut consacré à la musique, et les adieux vinrent ensuite. Le chanoine se lamenta de ne pouvoir retenir ses amis à dîner ; mais il céda à leurs raisons, et se consola à l’idée de les revoir à Vienne, où il devait bientôt se rendre pour passer une partie de l’hiver. Tandis qu’on attelait leur voiture, il les conduisit dans la serre pour leur faire admirer plusieurs plantes nouvelles dont il avait enrichi sa collection. Le jour baissait, mais le chanoine, qui avait l’odorat fort exercé, n’eut pas plus tôt fait quelques pas sous les châssis de son palais transparent qu’il s’écria :

« Je démêle ici un parfum extraordinaire ! Le glaïeul-vanille aurait-il fleuri ? Mais non ; ce n’est pas là l’odeur de mon glaïeul. Le strelitzia est inodore… les cyclamens