Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 3.djvu/188

Cette page a été validée par deux contributeurs.
178
consuelo.

était indigné ; mais on craignait qu’elle ne persuadât M. de Kaunitz, qui écoute volontiers ces sortes d’histoires, et qui ne tarit pas en éloges sur la beauté de Corilla…

— Elle a dit de pareilles choses ! » dit Consuelo en rougissant d’indignation ; puis elle ajouta avec calme : « Cela devait être, j’aurais dû m’y attendre.

— Mais il n’y a qu’un mot à dire pour déjouer toutes ses calomnies, reprit Joseph ; et ce mot je le dirai, moi ! Je dirai que…

— Tu ne diras rien, Beppo, ce serait une lâcheté et une barbarie. Vous ne le direz pas non plus, monsieur le chanoine, et si j’avais envie de le dire, vous m’en empêcheriez, n’est-il pas vrai ?

— Âme vraiment évangélique ! s’écria le chanoine. Mais songez que ce secret n’en peut pas être un bien longtemps. Il suffit de quelques valets et de quelques paysans qui ont constaté et qui peuvent ébruiter le fait, pour qu’on sache avant quinze jours que la chaste Corilla est accouchée ici d’un enfant sans père, qu’elle a abandonné par-dessus le marché.

— Avant quinze jours, la Corilla ou moi sera engagée. Je ne voudrais pas l’emporter sur elle par un acte de vengeance. Jusque-là, Beppo, silence, ou je te retire mon estime et mon amitié. Et maintenant, adieu, monsieur le chanoine. Dites-moi que vous me pardonnez, tendez-moi encore une main paternelle, et je me retire, avant que vos gens aient vu ma figure sous cet habit.

— Mes gens diront ce qu’ils voudront, et mon bénéfice ira au diable, si le ciel veut qu’il en soit ainsi ! Je viens de recueillir un héritage qui me donne le courage de braver les foudres de l’ordinaire. Ainsi, mes enfants, ne me prenez pas pour un saint ; je suis las d’obéir et de me contraindre ; je veux vivre honnêtement et sans