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à mes secours et à mes soins. Votre révérence se rappelle bien le reste ; elle sait bien que si j’ai profité de sa bienveillance, ce n’est pas pour mon compte. Elle sait bien aussi que je me suis éloignée aussitôt que mon devoir a été accompli ; et si je reviens aujourd’hui la remercier en personne des bontés dont elle m’a comblée, c’est que la loyauté me faisait un devoir de la détromper moi-même et de lui donner les explications nécessaires à notre mutuelle dignité.

— Il y a dans tout ceci, dit le chanoine à demi vaincu, quelque chose de mystérieux et de bien extraordinaire. Vous dites que la malheureuse dont j’ai adopté l’enfant était votre ennemie, votre rivale… Qui êtes-vous donc vous-même, Bertoni ?… Pardonnez-moi si ce nom revient toujours sur mes lèvres, et dites-moi comment je dois vous appeler désormais.

— Je m’appelle la Porporina, répondit Consuelo ; je suis l’élève du Porpora, je suis cantatrice. J’appartiens au théâtre.

— Ah ! fort bien ! dit le chanoine avec un profond soupir. J’aurais dû le deviner à la manière dont vous avez joué votre rôle, et, quant à votre talent prodigieux pour la musique, je ne dois plus m’en étonner ; vous avez été à bonne école. Puis-je vous demander si monsieur Beppo est votre frère… ou votre mari ?

— Ni l’un ni l’autre. Il est mon frère par le cœur, rien que mon frère, monsieur le chanoine ; et si mon âme ne s’était pas sentie aussi chaste que la vôtre, je n’aurais pas souillé de ma présence la sainteté de votre demeure. »

Consuelo avait, pour dire la vérité, un accent irrésistible, et dont le chanoine subit la puissance, comme les âmes pures et droites subissent toujours celle de la sincérité. Il se sentit comme soulagé d’un poids énorme, et, tout en marchant lentement entre ses deux jeunes pro-