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consuelo.

— J’ai été fort émue en chantant votre Judith, répondit Consuelo, qui savait être malicieuse dans l’occasion, et qui commençait à comprendre la malveillance des maîtres viennois envers elle.

— Cette fille a de l’esprit, sous son air simple, dit tout bas Holzbaüer à maître Reuter.

— C’est l’école du Porpora, répondit l’autre ; mépris et moquerie.

— Si l’on n’y prend garde, le vieux récitatif et le style osservato nous envahiront de plus belle que par le passé, reprit Holzbaüer ; mais soyez tranquille, j’ai les moyens d’empêcher cette Porporinaillerie d’élever la voix. »

Quand on se leva de table, Caffariello dit à l’oreille de Consuelo :

« Vois-tu, mon enfant, tous ces gens-là, c’est de la franche canaille. Tu auras de la peine à faire quelque chose ici. Ils sont tous contre toi. Ils seraient tous contre moi s’ils l’osaient.

— Et que leur avons-nous donc fait ? dit Consuelo étonnée.

— Nous sommes élèves du plus grand maître de chant qu’il y ait au monde. Eux et leurs créatures sont nos ennemis naturels, ils indisposeront Marie-Thérèse contre toi, et tout ce que tu dis ici lui sera répété avec de malicieux commentaires. Ou lui dira que tu ne l’as pas trouvée belle, et que tu as jugé son cadeau mesquin. Je connais toutes ces menées. Prends courage, pourtant ; je te protégerai envers et contre tous, et je crois que l’avis de Caffariello en musique vaut bien celui de Marie-Thérèse. »

« Entre la méchanceté des uns et la folie des autres, me voilà fort compromise, pensa Consuelo en s’en allant. Ô Porpora ! disait-elle dans son cœur, je ferai mon pos-