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consuelo.

déclaration d’amour à la divine Porporina soit venue du comte ridicule, au lieu d’être faite par le brave et séduisant baron.

— Beppo ! répondit Consuelo avec un sourire mélancolique, les absents n’ont tort que dans les cœurs ingrats et lâches. Voilà pourquoi le baron, qui est généreux et sincère, et qui est amoureux d’une mystérieuse beauté, ne pouvait pas songer à me faire la cour. Je vous le demande à vous-même : sacrifieriez-vous aussi facilement l’amour de votre fiancée et la fidélité de votre cœur au premier caprice venu ? »

Beppo soupira profondément.

« Vous ne pouvez être pour personne le premier caprice venu, dit-il, et… le baron pourrait être fort excusable d’avoir oublié toutes ses amours passées et présentes en vous voyant.

— Vous devenez galant et doucereux, Beppo ! je vois que vous avez profité dans la société de M. le comte ; mais puissiez-vous ne jamais épouser une margrave, et ne pas apprendre comment on traite l’amour quand on a fait un mariage d’argent ! »

Arrivés le soir à Lintz, ils y dormirent enfin sans terreur et sans souci du lendemain. Dès que Joseph fut éveillé, il courut acheter des chaussures, du linge, plusieurs petites recherches de toilette masculine pour lui, et surtout pour Consuelo, qui put se faire brave et beau, comme elle le disait en plaisantant, pour courir la ville et les environs. Le vieux batelier leur avait dit que s’il pouvait trouver une commission pour Mœlk, il les reprendrait à son bord le jour suivant, et leur ferait faire encore une vingtaine de lieues sur le Danube. Ils passèrent donc cette journée à Lintz, s’amusèrent à gravir la colline, à examiner le château fort d’en bas et celui d’en haut, d’où ils purent contempler les majestueux méan-