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réponses, et en regardant tour à tour Métastase et Kaunitz, qui l’accompagnaient, Marie-Thérèse fit un signe à un de ses chambellans, qui présenta un bracelet assez riche à Consuelo. Avant que celle-ci eût songé à remercier, l’impératrice avait déjà traversé la salle ; elle avait déjà dérobé à ses regards l’éclat du front impérial. Elle s’éloignait avec sa royale couvée de princes et d’archiduchesses, adressant un mot favorable et gracieux à chacun des musiciens qui se trouvaient à sa portée, et laissant derrière elle comme une trace lumineuse dans tous ces yeux éblouis de sa gloire et de sa puissance.

Caffariello fut le seul qui conserva ou qui affecta de conserver son sang-froid : il reprit sa discussion juste où il l’avait laissée ; et Consuelo, mettant le bracelet dans sa poche, sans songer à le regarder, recommença à lui tenir tête, au grand étonnement et au grand scandale des autres musiciens, qui, courbés sous la fascination de l’apparition impériale, ne concevaient pas qu’on pût songer à autre chose tout le reste de la journée. Nous n’avons pas besoin de dire que le Porpora faisait seul exception dans son âme, et par instinct et par système, à cette fureur de prosternation. Il savait se tenir convenablement incliné devant les souverains ; mais, au fond du cœur, il raillait et méprisait les esclaves. Maître Reuter, interpellé par Caffariello sur le véritable mouvement du chœur en litige, serra les lèvres d’un air hypocrite ; et, après s’être laissé interroger plusieurs fois, il répondit enfin d’un air très-froid :

« Je vous avoue, monsieur, que je ne suis point à votre conversation. Quand Marie-Thérèse est devant mes yeux, j’oublie le monde entier ; et longtemps après qu’elle a disparu, je demeure sous le coup d’une émotion qui ne me permet pas de penser à moi-même.

— Mademoiselle ne paraît point étourdie de l’insigne