Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 3.djvu/177

Cette page a été validée par deux contributeurs.
167
consuelo.

le sacré concert fut terminé, Consuelo fut invitée, avec les autres chanteurs (Caffariello était du nombre), à passer dans une des salles du palais, pour faire une collation présidée par Reuter. Elle était à peine assise entre ce maître et le Porpora, qu’un bruit, à la fois rapide et solennel, partant de la galerie voisine, fit tressaillir tous les convives, excepté Consuelo et Caffariello, qui s’étaient engagés dans une discussion animée sur le mouvement d’un certain chœur que l’un eût voulu plus vif et l’autre plus lent. « Il n’y a que le Maestro lui-même qui puisse trancher la question », dit Consuelo en se retournant vers le Reuter. Mais elle ne trouva plus ni le Reuter à sa droite, ni le Porpora à sa gauche : tout le monde s’était levé de table, et rangé en ligne, d’un air pénétré. Consuelo se trouva face à face avec une femme d’une trentaine d’années, belle de fraîcheur et d’énergie, vêtue de noir (tenue de chapelle), et accompagnée de sept enfants, dont elle tenait un par la main. Celui-là, c’était l’héritier du trône, le jeune César Joseph II ; et cette belle femme, à la démarche aisée, à l’air affable et pénétrant, c’était Marie-Thérèse.

« Ecco la Giuditta ? demanda l’impératrice en s’adressant à Reuter. Je suis fort contente de vous, mon enfant, ajouta-t-elle en regardant Consuelo des pieds à la tête ; vous m’avez fait vraiment plaisir, et jamais je n’avais mieux senti la sublimité des vers de notre admirable poëte que dans votre bouche harmonieuse. Vous prononcez parfaitement bien, et c’est à quoi je tiens par-dessus tout. Quel âge avez-vous, mademoiselle ? Vous êtes vénitienne ? Élève du célèbre Porpora, que je vois ici avec intérêt ? Vous désirez entrer au théâtre de la cour ? Vous êtes faite pour y briller ; et M. de Kaunitz vous protège. »

Ayant ainsi interrogé Consuelo, sans attendre ses