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consuelo.

C’est une âme brisée, mais c’est encore une belle âme, et quoiqu’elle ne soit point vue favorablement à la cour de Vienne à cause de son luthéranisme, personne n’ose insulter à son malheur ; personne ne peut médire de sa vie, pas même les laquais. Elle est ici en passant pour je ne sais quelle affaire ; elle réside ordinairement à Bareith.

— Voilà pourquoi, reprit Consuelo, elle m’a tant parlé de ce pays-là, et tant engagée à y aller. Oh ! quelle histoire ! Joseph ! et quelle femme que la comtesse Hoditz ! Jamais, non jamais le Porpora ne me traînera plus chez elle : jamais je ne chanterai plus pour elle !

— Et pourtant vous y pourriez rencontrer les femmes les plus pures et les plus respectables de la cour. Le monde marche ainsi, à ce qu’on assure. Le nom et la richesse couvrent tout, et, pourvu qu’on aille à l’église, on trouve ici une admirable tolérance.

— Cette cour de Vienne est donc bien hypocrite ? dit Consuelo.

— Je crains, entre nous soit dit, répondit Joseph en baissant la voix, que notre grande Marie-Thérèse ne le soit un peu. »

LXXXVIII.

Peu de jours après, le Porpora ayant beaucoup remué, beaucoup intrigué à sa manière, c’est-à-dire en menaçant, en grondant ou en raillant à droite et à gauche, Consuelo, conduite à la chapelle impériale par maître Reuter (l’ancien maître et l’ancien ennemi du jeune Haydn), chanta devant Marie-Thérèse la partie de Judith, dans l’oratorio : Betulia liberata, poëme de Métastase, musique de ce même Reuter. Consuelo fut magnifique, et Marie-Thérèse daigna être satisfaite. Quand