Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 3.djvu/17

Cette page a été validée par deux contributeurs.
7
consuelo.

et que Consuelo apprit de lui, ainsi que les paroles. Ils achevèrent de gagner son cœur en le régalant de leur mieux au premier abordage où ils firent leurs provisions de bouche pour la journée, et cette journée fut la plus paisible et la plus agréable qu’ils eussent encore passée depuis le commencement de leur voyage.

« Excellent baron de Trenk ! disait Joseph en échangeant contre de la monnaie une des brillantes pièces d’or que ce seigneur lui avait données : c’est à lui que je dois de pouvoir soustraire enfin la divine Porporina à la fatigue, à la famine, aux dangers, à tous les maux que la misère traîne à sa suite. Je ne l’aimais pourtant pas d’abord, ce noble et bienveillant baron !

— Oui, dit Consuelo, vous lui préfériez le comte. Je suis heureuse maintenant que celui-ci se soit borné à des promesses, et qu’il n’ait pas souillé nos mains de ses bienfaits.

— Après tout, nous ne lui devons rien, reprenait Joseph. Qui a eu le premier la pensée et la résolution de combattre les recruteurs ? c’est le baron ; le comte ne s’en souciait pas, et n’y allait que par complaisance et par ton. Qui a couru des risques et reçu une balle dans son chapeau, bien près du crâne ? encore le baron ! Qui a blessé, et peut-être tué l’infâme Pistola ? le baron ! Qui a sauvé le déserteur, à ses dépens peut-être, et en s’exposant à la colère d’un maître terrible ? Enfin, qui vous a respectée, et n’a pas fait semblant de reconnaître votre sexe ? qui a compris la beauté de vos airs italiens, et le goût de votre manière ?

— Et le génie de maître Joseph Haydn ? ajouta Consuelo en souriant ; le baron, toujours le baron !

— Sans doute, reprit Haydn pour lui rendre sa maligne insinuation ; et il est bien heureux peut-être, pour un noble et cher absent dont j’ai entendu parler, que la