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faire la margrave : elle ne l’était plus. Elle était tolérée et assez bien traitée par l’impératrice, parce qu’elle avait abjuré la foi luthérienne pour se faire catholique. Grâce à cet acte d’hypocrisie, on pouvait se faire pardonner toutes les mésalliances, tous les crimes même, à la cour d’Autriche ; et Marie-Thérèse suivait en cela l’exemple que son père et sa mère lui avaient donné, d’accueillir quiconque voulait échapper aux rebuts et aux dédains de l’Allemagne protestante, en se réfugiant dans le giron de l’Église romaine. Mais, toute princesse et toute catholique qu’elle était, la margrave n’était rien à Vienne, et M. de Kaunitz était tout.

Aussitôt que Consuelo eut chanté son troisième morceau, le Porpora, qui savait les usages, lui fit un signe, roula les cahiers, et sortit avec elle par une petite porte de côté sans déranger par sa retraite les nobles personnes qui avaient bien voulu ouvrir l’oreille à ses accents divins.

« Tout va bien, lui dit-il en se frottant les mains lorsqu’ils furent dans la rue, escortés par Joseph qui leur portait le flambeau. Le Kaunitz est un vieux fou qui s’y connaît, et qui te poussera loin.

— Et qui est le Kaunitz ? je ne l’ai pas vu, dit Consuelo.

— Tu ne l’as pas vu, tête ahurie ! Il t’a parlé pendant plus d’une heure.

— Mais ce n’est pas ce petit monsieur en gilet rose et argent, qui m’a fait tant de commérages que je croyais entendre une vieille ouvreuse de loges ?

— C’est lui-même. Qu’y a-t-il là d’étonnant ?

— Moi, je trouve cela fort étonnant, répondit Consuelo, et ce n’était point là l’idée que je me faisais d’un homme d’État.

— C’est que tu ne vois pas comment marchent les