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consuelo.

dement le Porpora et son élève ; et en voici une admirable qui se présente…

— Si elle est admirable, tant pis pour elle. Elle donnera de la jalousie à madame Tesi, qui est admirable et qui veut l’être seule ; elle mettra en fureur madame Holzbaüer, qui veut être admirable aussi…

— Et qui ne l’est pas, repartit l’ambassadeur.

— Elle est fort bien née ; c’est une personne de bonne maison, répliqua finement M. de Kaunitz.

— Elle ne chantera pas deux rôles à la fois. Il faut bien qu’elle laisse le mezzo-soprano faire sa partie dans les opéras.

— Nous avons une Corilla qui se présente, et qui est bien la plus belle créature de la terre.

— Votre Excellence l’a déjà vue ?

— Dès le premier jour de son arrivée. Mais je ne l’ai pas entendue. Elle était malade.

— Vous allez entendre celle-ci, et vous n’hésiterez pas à lui donner la préférence.

— C’est possible. Je vous avoue même que sa figure, moins belle que celle de l’autre, me paraît plus agréable. Elle a l’air doux et décent : mais ma préférence ne lui servira de rien, la pauvre enfant ! Il faut qu’elle plaise à madame Tesi, sans déplaire à madame Holzbaüer ; et jusqu’ici, malgré la tendre amitié qui unit ces deux dames, tout ce qui a été approuvé par l’une a toujours eu le sort d’être vivement repoussé par l’autre.

— Voici une rude crise, et une affaire bien grave, dit la princesse avec un peu de malice, en voyant l’importance que ces deux hommes d’État donnaient aux débats de coulisse. Voici notre pauvre petite protégée en balance avec madame Corilla, et c’est M. Caffariello, je le parie, qui mettra son épée dans un des plateaux. »