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consuelo.

Aussitôt le comte, comme poussé par un ressort, quitta sa belle-fille, et s’approcha de Consuelo, qu’il salua fort gravement ; puis, lui ayant adressé quelques paroles d’amateur, à propos de la musique en général, il ouvrit le cahier que Porpora avait posé sur le clavecin ; et, feignant d’y chercher quelque chose qu’il voulait se faire expliquer par elle, il se pencha sur le pupitre, et lui parla ainsi à voix basse :

« J’ai vu, hier matin le déserteur ; et sa femme m’a remis un billet. Je demande à la belle Consuelo d’oublier une certaine rencontre ; et, en retour de son silence, j’oublierai un certain Joseph, que je viens d’apercevoir dans mes antichambres.

— Ce certain Joseph, répondit Consuelo, que la découverte de la jalousie et de la contrainte conjugale venait de rendre fort tranquille sur les suites de l’aventure de Passaw, est un artiste de talent qui ne restera pas longtemps dans les antichambres. Il est mon frère, mon camarade et mon ami. Je n’ai point à rougir de mes sentiments pour lui, je n’ai rien à cacher à cet égard, et je n’ai rien à implorer de la générosité de Votre Seigneurie, qu’un peu d’indulgence pour ma voix, et un peu de protection pour les futurs débuts de Joseph dans la carrière musicale.

— Mon intérêt est assuré audit Joseph comme mon admiration l’est déjà à votre belle voix ; mais je me flatte que certaine plaisanterie de ma part n’a jamais été prise au sérieux.

— Je n’ai jamais eu cette fatuité, monsieur le comte, et d’ailleurs je sais qu’une femme n’a jamais lieu de se vanter lorsqu’elle a été prise pour le sujet d’une plaisanterie de ce genre.

— C’est assez, signora, dit le comte que la douairière ne perdait pas de vue, et qui avait hâte de changer d’in-