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consuelo.

« Maman, dit la princesse qui avait causé l’erreur de Consuelo, voici la jeune personne que maître Porpora nous avait annoncée, et qui va nous procurer le plaisir d’entendre la belle musique de son nouvel opéra.

— Ce n’est pas une raison, répondit la margrave en toisant Consuelo de la tête aux pieds, pour que vous la teniez ainsi par la main. Allez vous asseoir vers le clavecin, mademoiselle, je suis fort aise de vous voir, vous chanterez quand la société sera rassemblée. Maître Porpora, je vous salue. Je vous demande pardon si je ne m’occupe pas de vous. Je m’aperçois qu’il manque quelque chose à ma toilette. Ma fille, parlez un peu avec maître Porpora. C’est un homme de talent, que j’estime. »

Ayant ainsi parlé d’une voix plus rauque que celle d’un soldat, la grosse margrave tourna pesamment sur ses talons, et rentra dans ses appartements.

À peine eut-elle disparu, que la princesse, sa fille, se rapprocha de Consuelo, et lui reprit la main avec une bienveillance délicate et touchante, comme pour lui dire qu’elle protestait contre l’impertinence de sa mère ; puis elle entama la conversation avec elle et le Porpora, et leur montra un intérêt plein de grâce et de simplicité. Consuelo fut encore plus sensible à ces bons procédés, lorsque, plusieurs personnes ayant été introduites, elle remarqua dans les manières habituelles de la princesse une froideur, une réserve à la fois timide et fière, dont elle s’était évidemment départie exceptionnellement pour le maestro et pour elle.

Quand le salon fut à peu près rempli, le comte Hoditz, qui avait dîné dehors, entra en grande toilette, et, comme s’il eût été un étranger dans sa maison, alla baiser respectueusement la main et s’informa de la santé de sa noble épouse. La margrave avait la prétention d’être d’une complexion fort délicate ; elle était à