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il la porta à ses yeux, plongé qu’il était dans une sainte distraction.

Pendant quelques jours Consuelo fut retenue à la maison par un rhume. Elle avait bravé, pendant ce long et aventureux voyage, toutes les intempéries de l’air, tous les caprices de l’automne, tantôt brûlant, tantôt pluvieux et froid, suivant les régions diverses qu’elle avait traversées. Vêtue à la légère, coiffée d’un chapeau de paille, n’ayant ni manteau ni habits de rechange lorsqu’elle était mouillée, elle n’avait pourtant pas eu le plus léger enrouement. À peine fut-elle claquemurée dans ce logement sombre, humide et mal aéré du Porpora, qu’elle sentit le froid et le malaise paralyser son énergie et sa voix. Le Porpora eut beaucoup d’humeur de ce contretemps. Il savait que pour obtenir à son élève un engagement au théâtre italien, il fallait se hâter ; car madame Tesi, qui avait désiré se rendre à Dresde, paraissait hésiter, séduite par les instances de Caffariello et les brillantes propositions de Holzbaüer, jaloux d’attacher au théâtre impérial une cantatrice aussi célèbre. D’un autre côté, la Corilla, encore retenue au lit par les suites de son accouchement, faisait intriguer auprès des directeurs ceux de ses amis qu’elle avait retrouvés à Vienne, et se faisait fort de débuter dans huit jours si on avait besoin d’elle. Le Porpora désirait ardemment que Consuelo fût engagée, et pour elle-même, et pour le succès de l’opéra qu’il espérait faire accepter avec elle.

Consuelo, pour sa part, ne savait à quoi se résoudre. Prendre un engagement, c’était reculer le moment possible de sa réunion avec Albert ; c’était porter l’épouvante et la consternation chez les Rudolstadt, qui ne s’attendaient certes pas à ce qu’elle reparût sur la scène ; c’était, dans leur opinion, renoncer à l’honneur de leur appartenir, et signifier au jeune comte qu’elle lui préfé-