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consuelo.

le droit d’exiger que tu ne refuses pas les miens. Allons ! cours chez Keller. »

Au bout d’une heure, en effet, Haydn revint avec Keller et mille cinq cents florins ; Consuelo lui ayant expliqué ses intentions, Keller ressortit et ramena bientôt un tailleur de ses amis, habile et expéditif, qui, ayant pris la mesure de l’habit du Porpora et des autres pièces de son habillement, s’engagea à rapporter dans peu de jours deux autres habillements complets, une bonne robe de chambre ouatée, et même du linge et d’autres objets nécessaires à la toilette, qu’il se chargea de commander à des ouvrières recommandables.

« Maintenant, dit Consuelo à Keller quand le tailleur fut parti, il me faut le plus grand secret sur tout ceci. Mon maître est aussi fier qu’il est pauvre, et certainement il jetterait mes pauvres dons par la fenêtre s’il soupçonnait seulement qu’ils viennent de moi.

— Comment ferez-vous donc, signora, observa Joseph, pour lui faire endosser ses habits neufs et abandonner les vieux sans qu’il s’en aperçoive ?

— Oh ! je le connais, et je vous réponds qu’il ne s’en apercevra pas. Je sais comment il faut s’y prendre !

— Et maintenant, signora, reprit Joseph, qui, hors du tête-à-tête, avait le bon goût de parler très-cérémonieusement à son amie, pour ne pas donner une fausse opinion de la nature de leur amitié, ne penserez-vous pas aussi à vous-même ? Vous n’avez presque rien apporté avec vous de la Bohême, et vos habits, d’ailleurs, ne sont pas à la mode de ce pays-ci.

— J’allais oublier cette importante affaire ! Il faut que le bon monsieur Keller soit mon conseil et mon guide.

— Oui-da ! reprit Keller, je m’y entends, et si je ne vous fais pas confectionner une toilette du meilleur goût, dites que je suis un ignorant et un présomptueux.