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consuelo.

Un nom bizarre… Allons, tu dois t’en souvenir, maestro ; elle était laide comme tous les diables.

— C’était moi, » répondit Consuelo, qui surmonta avec franchise et bonhomie son embarras, pour venir saluer gaiement et respectueusement Caffariello.

Caffariello ne se déconcerta pas pour si peu.

« Vous ? lui dit-il lestement en lui prenant la main. Vous mentez ; car vous êtes une fort belle fille, et celle dont je parle…

— Oh ! c’était bien moi ! reprit Consuelo. Regardez-moi bien ! Vous devez me reconnaître. C’est bien la même Consuelo !

— Consuelo ! oui, c’était son diable de nom. Mais je ne vous reconnais pas du tout ; et j’ai bien peur qu’on ne vous ait changée. Mon enfant, si, en acquérant de la beauté, vous avez perdu la voix et le talent que vous annonciez, vous auriez mieux fait de rester laide.

— Je veux que tu l’entendes ! » dit le Porpora qui brûlait du désir de produire son élève devant Holzbaüer.

Et il poussa Consuelo au clavecin, un peu malgré elle ; car il y avait longtemps qu’elle n’avait affronté un auditoire savant, et elle ne s’était nullement préparée à chanter ce soir-là.

« Vous me mystifiez, disait Caffariello. Ce n’est pas la même que j’ai vue à Venise.

— Tu vas en juger, répondait le Porpora.

— En vérité, maître, c’est une cruauté de me faire chanter, quand j’ai encore cinquante lieues de poussière dans le gosier, dit Consuelo timidement.

— C’est égal, chante, répondit le maestro.

— N’ayez pas peur de moi, mon enfant, dit Caffariello ; je sais l’indulgence qu’il faut avoir, et, pour vous ôter la peur, je vais chanter avec vous, si vous voulez.

— À cette condition-là, j’obéirai, répondit-elle ; et le