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consuelo.

était goûtée du public ; une belle créature, par ma foi !

— Une belle créature, rien de plus.

— Rien de plus, en vérité ? demanda M. Holzbaüer, qui avait l’oreille au guet.

— Rien de plus, vous dis-je, répliqua le Porpora d’un ton d’autorité.

— Cela est bon à savoir, dit Holzbaüer en lui parlant à l’oreille. Elle est arrivée ici hier soir, assez malade à ce qu’on m’a dit : et pourtant, dès ce matin, j’ai reçu des propositions de sa part pour entrer au théâtre de la cour.

— Ce n’est pas ce qu’il vous faut, reprit le Porpora. Votre femme chante… dix fois mieux qu’elle ! » Il avait failli dire moins mal, mais il sut se retourner à temps.

« Je vous remercie de votre avis, répondit le directeur.

— Eh quoi ! pas d’autre élève que la grosse Corilla ? reprit Caffariello. Venise est à sec ? J’ai envie d’y aller le printemps prochain avec la Tesi.

— Pourquoi non ?

— Mais la Tesi est entichée de Dresde. Ne trouverai-je donc pas un chat pour miauler à Venise ? Je ne suis pas bien difficile, moi, et le public ne l’est pas, quand il a un primo-uomo de ma qualité pour enlever tout l’opéra. Une jolie voix, docile et intelligente, me suffirait pour les duos. Ah ! à propos, maître ! qu’as-tu fait d’une petite moricaude que je t’ai vue ?

— J’ai enseigné beaucoup de moricaudes.

— Oh ! celle-là avait une voix prodigieuse, et je me souviens que je t’ai dit en l’écoutant : Voilà une petite laideron qui ira loin ! Je me suis même amusé à lui chanter quelque chose. Pauvre petite ! elle en a pleuré d’admiration.

— Ah ! ah ! dit Porpora en regardant Consuelo, qui devint rouge comme le nez du maestro.

— Comment diable s’appelait-elle ? reprit Caffariello.