faut pas compromettre votre élève ; prenez-y garde !
— La compromettre ! à quoi songez-vous ? dit brusquement Porpora en haussant les épaules ; je l’ai entendue ce matin, et je sais si elle risque de se compromettre devant vos allemands ! »
Ce débat fut heureusement interrompu par l’arrivée d’un nouveau personnage. Tout le monde s’empressa pour lui faire accueil, et Consuelo, qui avait vu et entendu à Venise, dans son enfance, cet homme grêle, efféminé de visage avec des manières rogues et une tournure bravache, quoiqu’elle le retrouvât vieilli, fané, enlaidi, frisé ridiculement et habillé avec le mauvais goût d’un Céladon suranné, reconnut à l’instant même, tant elle en avait gardé un profond souvenir, l’incomparable, l’inimitable sopraniste Majorano, dit Caffarelli ou plutôt Caffariello, comme on l’appelle partout, excepté en France.
Il était impossible de voir un fat plus impertinent que ce bon Caffariello. Les femmes l’avaient gâté par leurs engouements, les acclamations du public lui avaient fait tourner la tête. Il avait été si beau, ou, pour mieux dire, si joli dans sa jeunesse, qu’il avait débuté en Italie dans les rôles de femme ; maintenant qu’il tirait sur la cinquantaine (il paraissait même beaucoup plus vieux que son âge, comme la plupart des sopranistes), il était difficile de le se représenter en Didon, ou en Galathée, sans avoir grande envie de rire. Pour racheter ce qu’il y avait de bizarre dans sa personne, il se donnait de grands airs de matamore, et à tout propos élevait sa voix claire et douce, sans pouvoir en changer la nature. Il y avait dans toutes ces affectations, et dans cette exubérance de vanité, un bon côté cependant. Caffariello sentait trop la supériorité de son talent pour être aimable ; mais aussi il sentait trop la dignité de son rôle d’artiste pour être