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effort et cherchait un prétexte pour se débarrasser de lui.

« Celui-ci, dit Wilhelmine, qui n’était pas fâchée de faire à Consuelo la liste des célébrités qui ornaient son salon, c’est un maître illustre, c’est le Buononcini. Il arrive de Paris, où il a joué lui-même une partie de violoncelle dans un motet de sa composition en présence du roi ; vous savez que c’est lui qui a fait fureur si longtemps à Londres, et qui, après une lutte obstinée de théâtre à théâtre contre Hændel, a fini par vaincre ce dernier dans l’opéra.

— Ne dites pas cela, signora, dit avec vivacité le Porpora qui venait de se débarrasser du Buononcini, et, qui, se rapprochant des deux femmes, avait entendu les dernières paroles de Wilhelmine ; oh ! ne dites pas un pareil blasphème ! Personne n’a vaincu Hændel, personne ne le vaincra. Je connais mon Hændel, et vous ne le connaissez pas encore. C’est le premier d’entre nous, et je le confesse, quoique j’aie eu l’audace de lutter aussi contre lui dans des jours de folle jeunesse ; j’ai été écrasé, cela devait être, cela est juste. Buononcini, plus heureux, mais non plus modeste ni plus habile que moi, a triomphé aux yeux des sots et aux oreilles des barbares. Ne croyez donc pas ceux qui vous parlent de ce triomphe-là ; ce sera l’éternel ridicule de mon confrère Buononcini, et l’Angleterre rougira un jour d’avoir préféré ses opéras à ceux d’un génie, d’un géant tel que Hændel. La mode, la fashion, comme ils disent là-bas, le mauvais goût, l’emplacement favorable du théâtre, une coterie, des intrigues et, plus que tout cela, le talent de prodigieux chanteurs que le Buononcini avait pour interprètes, l’ont emporté en apparence. Mais Hændel prend dans la musique sacrée une revanche formidable… Et, quant à M. Buononcini, je n’en fais pas grand cas. Je n’aime pas les escamoteurs, et je dis qu’il