périté qu’elle lui avait supposé à Venise, se sentit fort à l’aise avec elle et la combla de prévenances. Quelques italiens, amis de l’ambassadeur, qui se trouvaient là, se joignirent à elle pour accabler Consuelo d’éloges et de questions, qu’elle sut éluder avec adresse et enjouement. Mais tout à coup sa figure devint sérieuse, et une certaine émotion s’y trahit, lorsqu’au milieu du groupe d’allemands qui la regardaient curieusement de l’autre extrémité du salon, elle reconnut une figure qui l’avait déjà gênée ailleurs ; celle de l’inconnu, ami du chanoine, qui l’avait tant examinée et interrogée, trois jours auparavant, chez le curé du village où elle avait chanté la messe avec Joseph Haydn. Cet inconnu l’examinait encore avec une curiosité extrême, et il était facile de voir qu’il questionnait ses voisins sur son compte. La Wilhelmine s’aperçut de la préoccupation de Consuelo.
« Vous regardez M. Holzbaüer ? lui dit-elle. Le connaissez-vous ?
— Je ne le connais pas, répondit Consuelo, et j’ignore si c’est celui que je regarde.
— C’est le premier à droite de la console, reprit l’ambassadrice. Il est actuellement directeur du théâtre de la cour, et sa femme est première cantatrice à ce même théâtre. Il abuse de sa position, ajouta-t-elle tout bas, pour régaler la cour et la ville de ses opéras, qui, entre nous, ne valent pas le diable. Voulez-vous que je vous fasse faire connaissance avec lui ? C’est un fort galant homme.
— Mille grâces, signora, répondit Consuelo, je suis trop peu de chose ici pour être présentée à ce personnage, et je suis certaine d’avance qu’il ne m’engagera pas à son théâtre.
— Et pourquoi cela mon cœur ? Cette belle voix, qui n’avait pas sa pareille dans toute l’Italie, aurait-elle