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se dispenser de la lui amener, et la Wilhelmine en avait pris un étrange dépit contre la débutante, jusqu’à dire qu’elle n’était pas assez belle pour avoir jamais des succès incontestés ; que sa voix, agréable dans un salon, à la vérité, manquait de sonorité au théâtre, qu’elle ne tenait pas sur la scène tout ce qu’avait promis son enfance, et autres malices de même genre connues de tout temps et en tous pays.

Mais bientôt la clameur enthousiaste du public avait étouffé ces petites insinuations, et la Wilhelmine, qui se piquait d’être un bon juge, une savante élève du Porpora, et une âme généreuse, n’avait osé poursuivre cette guerre sourde contre la plus brillante élève du maestro, et contre l’idole du public. Elle avait mêlé sa voix à celle des vrais dilettanti pour exalter Consuelo, et si elle l’avait un peu dénigrée encore pour l’orgueil et l’ambition dont elle avait fait preuve en ne mettant pas sa voix à la disposition de madame l’ambassadrice, c’était bien bas et tout à fait à l’oreille de quelques-uns que madame l’ambassadrice se permettait de l’en blâmer.

Cette fois, lorsqu’elle vit Consuelo venir à elle dans sa petite toilette des anciens jours, et lorsque le Porpora la lui présenta officiellement, ce qu’il n’avait jamais fait auparavant, vaine et légère comme elle était, la Wilhelmine pardonna tout, et s’attribua un rôle de grandeur généreuse. Embrassant la Zingarella sur les deux joues,

« Elle est ruinée, pensa-t-elle ; elle a fait quelque folie, ou perdu la voix, peut-être ; car on n’a pas entendu parler d’elle depuis longtemps. Elle nous revient à discrétion. Voici le vrai moment de la plaindre, de la protéger, et de mettre ses talents à l’épreuve ou à profit. »

Consuelo avait l’air si doux et si conciliant, que la Wilhelmine, ne retrouvant pas ce ton de hautaine pros-