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mais elle les trouva si obstinées, qu’elle y renonça, et, se penchant un peu à la fenêtre, dans un moment où son maître avait le dos tourné, elle fit avec ses doigts un premier signe, et puis un second. Joseph, qui rôdait dans la rue en attendant ce signal convenu, comprit que le premier mouvement des doigts lui disait de renoncer à tout espoir d’être admis comme élève auprès du Porpora ; le second l’avertissait de ne pas paraître avant une demi-heure.

Consuelo parla d’autre chose, pour faire oublier au Porpora ce qu’elle venait de lui dire ; et, la demi-heure écoulée, Joseph frappa à la porte. Consuelo alla lui ouvrir, feignit de ne pas le connaître, et revint annoncer au maestro que c’était un domestique qui se présentait pour entrer à son service.

« Voyons ta figure ! cria le Porpora au jeune homme tremblant ; approche ! Qui t’a dit que j’eusse besoin d’un domestique ? Je n’en ai aucun besoin.

— Si vous n’avez pas besoin de domestique, répondit Joseph éperdu, mais faisant bonne contenance comme Consuelo le lui avait recommandé, c’est bien malheureux pour moi, monsieur ; car j’ai bien besoin de trouver un maître.

— On dirait qu’il n’y a que moi qui puisse te faire gagner ta vie ! répliqua le Porpora. Tiens, regarde mon appartement et mon mobilier ; crois-tu que j’aie besoin d’un laquais pour arranger tout cela ?

— Eh ! vraiment oui, monsieur, vous en auriez besoin, reprit Haydn en affectant une confiante simplicité ; car tout cela est fort mal en ordre. »

En parlant ainsi, il se mit tout de suite à la besogne, et commença à ranger la chambre avec une symétrie et un sang-froid apparent qui donnèrent envie de rire au Porpora. Joseph jouait le tout pour le tout ; car si son