Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 3.djvu/102

Cette page a été validée par deux contributeurs.
92
consuelo.

voyant qu’elle pleurait, mais ne trouvant rien de doux et de tendre à lui dire, il lui prit son mouchoir des mains et le lui passa sur les yeux avec une rudesse paternelle, en lui disant :

« Allons, allons ! »

Consuelo vit qu’il était pâle et qu’il étouffait de gros soupirs dans sa large poitrine ; mais il contint son émotion, et tirant une chaise à côté d’elle :

« Allons, reprit-il, raconte-moi ton séjour en Bohême, et dis-moi pourquoi tu es revenue si brusquement ? Parle donc, ajouta-t-il avec un peu d’impatience. Est-ce que tu n’as pas mille choses à me dire ? Tu t’ennuyais là-bas ? ou bien les Rudolstadt ont été mal pour toi ? Oui, eux aussi sont capables de t’avoir blessée et tourmentée ! Dieu sait que c’étaient les seules personnes de l’univers en qui j’avais encore foi : mais Dieu sait aussi que tous les hommes sont capables de tout ce qui est mal !

— Ne dites pas cela, mon ami, répondit Consuelo. Les Rudolstadt sont des anges, et je ne devrais parler d’eux qu’à genoux ; mais j’ai dû les quitter, j’ai dû les fuir, et même sans les prévenir, sans leur dire adieu.

— Qu’est-ce à dire ? Est-ce toi qui as quelque chose à te reprocher envers eux ? Me faudrait-il rougir de toi, et me reprocher de t’avoir envoyée chez ces braves gens ?

— Oh, non ! non, Dieu merci, maître ! Je n’ai rien à me reprocher, et vous n’avez point à rougir de moi.

— Alors, qu’est-ce donc ? »

Consuelo, qui savait combien il fallait faire au Porpora les réponses courtes et promptes lorsqu’il donnait son attention à la connaissance d’un fait ou d’une idée, lui annonça, en peu de mots, que le comte Albert voulait l’épouser, et qu’elle n’avait pu se décider à lui rien promettre avant d’avoir consulté son père adoptif.

Le Porpora fit une grimace de colère et d’ironie.