Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/95

Cette page a été validée par deux contributeurs.
83
consuelo.

qu’on fasse des pronostics et des apprêts de mort autour du lit d’une personne qui va reprendre connaissance tout à l’heure. Qu’on se le tienne pour dit. Si j’offense ici un savant, si je suis coupable envers un ami, j’en demanderai pardon quand je pourrai songer à moi-même. »

Après avoir parlé ainsi, d’un ton dont le calme et la douceur contrastaient avec la sécheresse de ses paroles, Albert rentra dans l’appartement de Consuelo, ferma la porte, mit la clef dans sa poche, et dit à la chanoinesse : « Personne n’entrera ici, et personne n’en sortira sans ma volonté. »

XLIX.

La chanoinesse, interdite, n’osa lui répondre un seul mot. Il y avait dans son air et dans son maintien quelque chose de si absolu, que la bonne tante en eut peur et se mit à lui obéir d’instinct avec un empressement et une ponctualité sans exemple. Le médecin, voyant son autorité complètement méconnue, et ne se souciant pas, comme il le raconta plus tard, d’entrer en lutte avec un furieux, prit le sage parti de se retirer. Le chapelain alla dire des prières, et Albert, secondé par sa tante et par les deux femmes de service, passa toute la journée auprès de sa malade, sans ralentir ses soins un seul instant. Après quelques heures de calme, la crise d’exaltation revint presque aussi forte que la nuit précédente ; mais elle dura moins longtemps, et lorsqu’elle eut cédé à l’effet de puissants réactifs, Albert engagea la chanoinesse à aller se coucher et à lui envoyer seulement une nouvelle femme pour l’aider pendant que les deux autres iraient se reposer.

« Ne voulez-vous donc pas vous reposer aussi, Albert ? demanda Wenceslawa en tremblant.