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consuelo.

chapelain, malgré son peu de sympathie, courba la tête et fut saisi d’un respect religieux. À peine Consuelo eut-elle fini la strophe, qu’elle fit un grand soupir ; une joie divine brilla sur son visage.

« Je suis sauvée ! » s’écria-t-elle ; et elle tomba à la renverse, pâle et froide comme le marbre, les yeux encore ouverts mais éteints, les lèvres bleues et les bras raides.

Un instant de silence et de stupeur succéda à cette scène. Amélie, qui, debout et immobile sur le seuil de sa chambre, avait assisté, sans oser faire un pas, à ce spectacle effrayant, tomba évanouie d’horreur. La chanoinesse et les deux femmes coururent à elle pour la secourir. Consuelo resta étendue et livide, appuyée sur le bras d’Albert qui avait laissé tomber son front sur le sein de l’agonisante et ne paraissait pas plus vivant qu’elle. La chanoinesse n’eut pas plus tôt fait déposer Amélie sur son lit, qu’elle revint sur le seuil de la chambre de Consuelo.

« Eh bien, monsieur le chapelain ? dit-elle d’un air abattu.

— Madame, c’est la mort ! répondit le chapelain d’une voix profonde, en laissant retomber le bras de Consuelo dont il venait d’interroger le pouls avec attention.

— Non, ce n’est pas la mort ! non, mille fois non ! s’écria Albert en se soulevant impétueusement. J’ai consulté son cœur, mieux que vous n’avez consulté son bras. Il bat encore ; elle respire, elle vit. Oh ! elle vivra ! Ce n’est pas ainsi, ce n’est pas maintenant qu’elle doit finir. Qui donc a eu la témérité de croire que Dieu avait prononcé sa mort ? Voici le moment de la soigner efficacement. Monsieur le chapelain, donnez-moi votre boîte. Je sais ce qu’il lui faut, et vous ne le savez pas. Malheureux que vous êtes, obéissez-moi ! Vous ne l’avez pas secourue ; vous pouviez empêcher l’invasion de cette