Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/81

Cette page a été validée par deux contributeurs.
69
consuelo.

était sérieusement indisposée, nous ne serions pas tous ici, occupés tranquillement à manger et à causer autour d’une table.

— Rassurez-vous donc, Albert, dit Amélie en rougissant de dépit, la Nina est occupée à rêver de vous, et à augurer votre retour qu’elle attend en dormant, tandis que nous le fêtons ici dans la joie. »

Albert devint pâle d’indignation, et lançant à sa cousine un regard foudroyant :

« Si quelqu’un ici m’a attendu en dormant, dit-il, ce n’est pas la personne que vous nommez qui doit en être remerciée ; la fraîcheur de vos joues, ma belle cousine, atteste que vous n’avez pas perdu en mon absence une heure de sommeil, et que vous ne sauriez avoir en ce moment aucun besoin de repos. Je vous en rends grâce de tout mon cœur ; car il me serait très-pénible de vous en demander pardon comme j’en demande pardon, avec honte et douleur à tous les autres membres et amis de ma famille.

— Grand merci de l’exception, repartit Amélie, vermeille de colère : je m’efforcerai de la mériter toujours, en gardant mes veilles et mes soucis pour quelqu’un qui puisse m’en savoir gré, et ne pas s’en faire un jeu. »

Cette petite altercation, qui n’était pas nouvelle entre Albert et sa fiancée, mais qui n’avait jamais été aussi vive de part et d’autre, jeta, malgré tous les efforts qu’on fit pour en distraire Albert, de la tristesse et de la contrainte sur le reste de la matinée. La chanoinesse alla voir plusieurs fois sa malade, et la trouva toujours plus brûlante et plus accablée. Amélie, que l’inquiétude d’Albert blessait comme une injure personnelle, alla pleurer dans sa chambre. Le chapelain se prononça au point de dire à la chanoinesse qu’il faudrait envoyer chercher un médecin le soir, si la fièvre ne cédait pas. Le comte