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consuelo.

celui-là seul que je puis écouter et croire ! Dieu sait ce qu’il fait ! Ignorant ma folie, j’ai toujours accusé celle des autres. Hélas ! mon noble père, lui-même, m’aurait appris ce que vous venez de m’apprendre, Consuelo, que je ne l’aurais pas cru ! C’est que vous êtes la vérité et la vie, c’est que vous seule pouvez porter en moi la conviction, et donner à mon esprit troublé la sécurité céleste qui émane de vous.

— Partons, dit Consuelo en l’aidant à agrafer son manteau, que sa main convulsive et distraite ne pouvait fixer sur son épaule.

— Oui, partons, dit-il en la regardant d’un œil attendri remplir ce soin amical ; mais auparavant, jure-moi, Consuelo, que si je reviens ici, tu ne m’y abandonneras pas ; jure que tu viendras m’y chercher encore, fut-ce pour m’accabler de reproches, pour m’appeler ingrat, parricide, et me dire que je suis indigne de ta sollicitude. Oh ! ne me laisse plus en proie à moi-même ! tu vois bien que tu as tout pouvoir sur moi, et qu’un mot de ta bouche me persuade et me guérit mieux que ne feraient des siècles de méditation et de prière.

— Vous allez me jurer, vous, lui répondit Consuelo en appuyant sur ses deux épaules ses mains enhardies par l’épaisseur du manteau, et en lui souriant avec expansion, de ne jamais revenir ici sans moi !

— Tu y reviendras donc avec moi, s’écria-t-il en la regardant avec ivresse, mais sans oser l’entourer de ses bras : jure-le-moi, et moi je fais le serment de ne jamais quitter le toit de mon père sans ton ordre ou ta permission.

— Eh bien, que Dieu entende et reçoive cette mutuelle promesse, répondit Consuelo transportée de joie. Nous reviendrons prier dans votre église, Albert, et vous m’enseignerez à prier ; car personne ne me l’a appris, et j’ai de connaître Dieu un besoin qui me consume.