Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/365

Cette page a été validée par deux contributeurs.
353
consuelo.

théâtre de Roswald. Je veux tout de bon vous présenter à la princesse mon épouse ; qu’en diriez-vous ? hein ! Ce serait une fortune pour des enfants comme vous. »

Consuelo avait été prise d’une forte envie de rire en entendant le comte se proposer d’examiner Haydn et elle-même sur la musique. Elle ne put que s’incliner respectueusement avec de grands efforts pour garder son sérieux. Joseph, sentant davantage les conséquences avantageuses pour lui d’une nouvelle protection, remercia et ne refusa pas. Le comte reprit ses tablettes, et lut à Consuelo la moitié d’un petit opéra italien singulièrement détestable, et plein de barbarismes, qu’il se promettait de mettre lui-même en musique et de faire représenter pour la fête de sa femme par ses acteurs, sur son théâtre, dans son château, ou, pour mieux dire, dans sa résidence ; car, se croyant prince par le fait de sa margrave, il ne parlait pas autrement.

Consuelo poussait de temps en temps le coude de Joseph pour lui faire remarquer les bévues du comte, et, succombant sous l’ennui, se disait en elle-même que, pour s’être laissé séduire par de tels madrigaux, la fameuse beauté du margraviat héréditaire de Bareith, apanage de Culmbach, devait être une personne bien éventée, malgré ses titres, ses galanteries et ses années.

Tout en lisant et en déclamant, le comte croquait des bonbons pour s’humecter le gosier et en offrait sans cesse aux jeunes voyageurs, qui, n’ayant rien mangé depuis la veille, et mourant de faim, acceptaient, faute de mieux, cet aliment plus propre à la tromper qu’à la satisfaire, tout en se disant que les dragées et les rimes du comte étaient une bien fade nourriture.

Enfin, vers le soir, on vit paraître à l’horizon les forts et les flèches de cette ville de Passaw où Consuelo avait pensé le matin ne pouvoir jamais arriver. Cet aspect,